Depuis 2008, plus de 4,6 millions de ruptures conventionnelles ont été signées (1). Ce mode de rupture amiable du contrat de travail connaît un fort succès, en raison notamment de sa flexibilité et de la sécurité juridique qu’elle assure au salarié qui quitte son emploi.
Mais avant de se lancer, il est important de peser le pour et le contre. Voici ce qu’il faut savoir sur la rupture conventionnelle, ainsi que ses avantages et inconvénients.
Qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle ?
Mise en place par la loi de modernisation du marché du travail de 2008, la rupture conventionnelle permet à l’employeur et au salarié de mettre fin, d’un commun accord, à un contrat de travail. Elle n’est ni un licenciement ni une démission. C’est aussi le seul moyen de rompre à l’amiable un contrat à durée indéterminée (CDI).
La rupture conventionnelle peut être indifféremment proposée par l’employeur ou par le salarié. Elle doit être effectuée d’un commun accord, ce qui signifie qu’un salarié n’est jamais obligé d’accepter la rupture proposée par son employeur, et inversement.
Lorsque le salarié et l’employeur en acceptent le principe, il leur appartient de convenir d’un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail. A l’inverse d’une démission, le salarié pourra bénéficier d’une indemnité de départ (pouvant être négociée) et des allocations chômage, s’il remplit les conditions d’indemnisation.
Dans quels cas peut-on conclure une rupture conventionnelle ?
En principe, tout salarié en CDI et tout employeur peuvent conclure une rupture conventionnelle. La seule condition est, vous l’aurez compris, l’existence d’un commun accord. A ce titre, le consentement du salarié doit être libre et éclairé, c’est-à-dire qu’il ne doit pas être obtenu sous la contrainte.
Les salariés protégés peuvent demander une rupture conventionnelle, à condition d’obtenir l’autorisation de l’inspection du travail. C’est aussi le cas pour les salariés en arrêt maladie et les salariées en congé maternité.
En revanche, la rupture conventionnelle n’est pas possible dans les cas suivants :
- Salariés en CDD ;
- Salariés en CDI qui sont encore en période d’essai ;
- Apprentis ;
- Agents de la fonction publique, qu’ils soient titulaires ou contractuels.
Rupture conventionnelle : quelle est la procédure à suivre ?
Pour conclure une rupture conventionnelle, l’employeur et le salarié doivent respecter la procédure prévue par la loi.
La tenue d’un ou plusieurs entretiens pour négocier la rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle est librement négociée entre l’employeur et le salarié au cours d'un ou plusieurs entretiens. La loi ne fixe aucune règle concernant les modalités de convocation du salarié, la date ou le lieu du ou des entretiens.
Lors du ou des entretiens, l’employeur et le salarié fixent les modalités de rupture du contrat de travail : date de la rupture, montant de l’indemnité, etc. A noter : le salarié peut se faire assister de la même manière que dans une procédure de licenciement, soit par un salarié de l'entreprise (représentant du personnel), soit par un conseiller du salarié en l'absence de représentant du personnel dans l'entreprise.
Attention : en l'absence d'entretien de négociation, la rupture conventionnelle est réputée nulle.
La conclusion de la convention de rupture conventionnelle
La convention de rupture conventionnelle précise les conditions dans lesquelles le contrat de travail est rompu. Plus particulièrement, doivent y figurer :
- La date de la rupture du contrat ;
- Le montant de l'indemnité de rupture, qui ne peut être inférieur au montant de l’indemnité légale de licenciement, ou de l’indemnité prévue par la convention collective si elle est plus élevée.
La convention de rupture conventionnelle doit obligatoirement être établie en deux exemplaires minimum, un pour le salarié et un pour l’employeur.
Une fois la convention rédigée et signée, un délai de rétractation de 15 jours calendaires doit être respecté. Ce délai écoulé, la rupture conventionnelle doit ensuite être validée pour être définitive.
(3) L’homologation de la rupture conventionnelle par la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS)
L’homologation de la rupture conventionnelle est une formalité obligatoire, qui intervient à la fin du délai de rétractation de 15 jours. Elle consiste en l’envoi d’un formulaire Cerfa à la DREETS (ancienne DIRECCTE), qui vérifie le respect des conditions de la rupture. En cas de décision positive, la rupture conventionnelle est homologuée et le contrat de travail prend fin à la date prévue.
Rupture conventionnelle vs démission : quelles sont les différences ?
Faire le choix d’une rupture conventionnelle ou d’une démission emporte des conséquences différentes.
En premier lieu, la démission est toujours à l’initiative du salarié : l’employeur ne peut pas intervenir. Il n’a pas non plus à donner son accord. Certaines règles doivent cependant être suivies, comme l’envoi d’un courrier informant l’employeur de la décision de démissionner et le respect d’un délai de préavis (qui varie selon les cas).
C’est là l’une des différences majeures de la démission avec la rupture conventionnelle. Ainsi, cette dernière ne nécessite pas de respecter un quelconque préavis. Si le salarié et l’employeur sont d’accord, la date de départ peut être immédiate.
Autre différence de taille : les indemnités chômage. En cas de rupture conventionnelle, le salarié perçoit une indemnité de rupture, négociée entre les deux parties. Il bénéficie également des allocations chômage, s’il répond aux conditions d’indemnisation. A l'inverse, en cas de démission, aucune indemnité n’est versée. A noter cependant que certaines démissions sont considérées comme légitimes, et permettent à ce titre de bénéficier d’une indemnisation par Pôle emploi (2). Par exemple : la démission pour mariage ou Pacs suivi d’un changement de résidence.
Quels sont les avantages de la rupture conventionnelle ?
Avantage n°1 : Une procédure souple et non conflictuelle
Par définition, la rupture conventionnelle nécessite l’accord mutuel de l’employeur et du salarié. Dans ces conditions, elle permet généralement à ce dernier de quitter l’entreprise dans un climat apaisé. Les modalités de la fin du contrat de travail sont en effet discutées et négociées par les deux parties, afin qu’elles en retirent des avantages mutuels. Cela minimise les possibilités de conflit, notamment par rapport à une décision unilatérale (démission du salarié ou licenciement à l’initiative de l’employeur). Dans les faits, le salarié dispose d’un délai d’un an après la date d’homologation pour contester la rupture conventionnelle. Néanmoins, si chaque partie a fait librement valoir ses arguments, les risques de conflits sont faibles.
Par ailleurs, le salarié qui sollicite une rupture conventionnelle n’a aucune obligation de se justifier. Aucun motif ne doit ainsi être présenté à son employeur. Qu’il souhaite trouver un nouvel emploi, créer son entreprise ou prendre du temps pour lui, il est libre de demander une rupture conventionnelle !
Avantage n°2 : Une perte d’emploi négociée et maîtrisée
D'un point de vue psychologique, la rupture conventionnelle est souvent mieux vécue par le salarié qu’un licenciement. Cela s’explique par le fait qu’il est acteur de la procédure, et qu’il a la possibilité de négocier ses conditions de départ pour que celles-ci lui soient favorables. Ainsi, l’impact de la perte d’emploi est moins important. De manière plus pragmatique, une rupture conventionnelle est aussi plus facile à valoriser (auprès d’un nouvel employeur, par exemple) qu’un licenciement ou une démission.
Avantage n°3 : L’obtention d’une indemnité minimale, assortie d’une indemnisation par Pôle emploi
C’est le grand atout de la rupture conventionnelle. En effet, le salarié qui y a recours perçoit une indemnité de rupture conventionnelle, dont le mode de calcul est défini par la loi. Ainsi, le montant perçu ne peut pas être inférieur à l'indemnité légale de licenciement. Mais l’indemnité de rupture conventionnelle, négociée entre le salarié et l’employeur, peut être plus élevée que le montant fixé par la loi.
Si vous avez moins de 10 ans d'ancienneté dans l'entreprise, l'indemnité représente un quart de votre salaire mensuel de référence par année de présence dans l’entreprise. Si vous avez plus de 10 ans d'ancienneté, l’indemnité représente un tiers de votre salaire mensuel à partir de la onzième année.
Exemple : vous percevez un salaire brut de 2 500 € et vous avez 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise. Le calcul à appliquer est le suivant : (2 500 x 1/4) x 5 = 3 125.
Si vous avez une ancienneté de 11 ans, on applique la formule suivante : ((2 500 x 1/4) x 10) + ((2 500 x ⅓ x 1)) = 7083.
La rupture conventionnelle présente également l'avantage d’ouvrir des droits à l'allocation chômage (à condition, bien sûr, de s’inscrire à Pôle Emploi). Cela permet de ne pas être sans revenus dans la période qui suit la fin de son contrat de travail, et de pouvoir se consacrer à ses projets de manière plus sereine. C’est l’idéal, par exemple, si l’on a pour projet de créer ou de reprendre une entreprise et que l’on a besoin d’une certaine sécurité financière.
Avantage n°4 : L’absence de préavis, et la possibilité de choisir sa date de départ
La rupture conventionnelle se caractérise par l’absence de préavis obligatoire. De fait, les conditions de départ peuvent être librement négociées avec l’employeur. Cela permet de trouver un meilleur arrangement que dans le cas d’une démission ou d’un licenciement, tous deux plus contraignants et/ou moins avantageux. Ainsi, le salarié peut choisir (avec l’accord de son employeur) sa date de départ de l’entreprise, en fonction de ses projets futurs.
Quels sont les inconvénients de la rupture conventionnelle ?
Inconvénient n°1 : Une procédure réservée aux salariés en CDI
Nous l’avons vu, le dispositif de rupture conventionnelle est réservé aux salariés en CDI, hors période d’essai. Les salariés en CDD, les apprentis et les agents de la fonction publique ne peuvent donc pas en bénéficier. Dans les faits, mieux vaut également être dans l’entreprise depuis un certain temps. En dessous de 1 an d’ancienneté, il arrive que certains employeurs la refusent.
Inconvénient n°2 : Une rupture qui peut être imposée par l’employeur pour contourner un licenciement économique ou pour faute
En pratique, la rupture conventionnelle doit être conclue par accord mutuel entre le salarié et l’employeur. Cependant, il arrive que certains employeurs l’utilisent pour déguiser un licenciement économique ou un licenciement pour faute, et ainsi imposer au salarié des conditions moins favorables. Il est donc important de rappeler qu’une rupture conventionnelle ne peut pas être imposée, et que le salarié est toujours en droit de la refuser.
Inconvénient n°3 : Une procédure qui peut être relativement longue
Certes, à la différence de la démission, la rupture conventionnelle ne nécessite pas de préavis. Pour autant, elle doit respecter un formalisme strict : entretien(s) entre le salarié et l’employeur, établissement et signature de la convention de rupture, délai de rétractation de 15 jours, demande d’homologation. Cette succession d’étapes peut prendre un certain temps. Il est donc rare de pouvoir partir de son entreprise du jour au lendemain !
Vous savez désormais en quoi consiste une rupture conventionnelle, et vous connaissez ses avantages et inconvénients. Si vous hésitez encore sur le choix du mode de rupture de votre contrat de travail, pensez à prendre conseil (ou : vous pouvez me contacter pour prendre conseil).
Synthèse des avantages et inconvénients de la rupture conventionnelle (tableau)
Avantages | Inconvénients |
---|---|
Indemnités chômage | Requiert l'accord de l'employeur |
Procédure souple, qui laisse une marge de négociation aux parties | Seuls les salariés en CDI sont concernés |
Absence de préavis obligatoire | Une procédure qui peut être longue en pratique |
Droit à l’indemnité spécifique de rupture | Peut être utilisée par l’employeur pour masquer un licenciement abusif |
Sources :