Pour qu’un contrat de travail soit constitué, la réunion de 3 éléments est nécessaire : une prestation de travail, une rémunération (qu’on appelle le salaire) et un lien de subordination.
Le salaire est la contrepartie directe de la prestation de travail. Dès lors, il n’est évidemment pas possible pour un employeur de se libérer de son obligation de paiement des salaires. Que se passe-t-il en l’absence de rémunération, ou lorsque celle-ci est versée partiellement ou en retard ? Quels sont les recours possibles ?
C’est à ces questions que nous allons répondre dans cet article.
Pour commencer : la distinction entre non-paiement et suspension du salaire
En premier lieu, il est important de faire la différence entre suspension du salaire et non-paiement (ou retard) du salaire.
En effet, un employeur peut suspendre le paiement du salaire dans plusieurs cas : grève, abandon de poste, et arrêt pour inaptitude (où le salaire n’est pas dû pendant un mois). Puisque le salarié ne fournit plus sa prestation de travail, l’employeur se trouve alors exempté de son obligation de le rémunérer.
Le non-paiement du salaire survient lorsque le salarié fournit sa prestation et respecte les termes de son contrat de travail, et que l’employeur ne lui verse pas le salaire correspondant. Cette situation peut survenir lorsque l’employeur traverse des difficultés financières ou rencontre des circonstances particulières. Cependant, elles ne peuvent jamais justifier le manquement à son obligation de rémunérer ses salariés.
Par ailleurs, cette obligation de paiement porte sur l’ensemble du salaire. Cela signifie qu’un paiement partiel est considéré comme un non-paiement et emporte les mêmes conséquences. C’est la même chose pour un retard dans le versement du salaire.
Quand le salaire doit-il être versé ?
La loi n’impose aucune date fixe de paiement des salaires. Cependant, l’employeur a l’obligation de respecter une périodicité dans le versement des salaires. En outre, il ne peut pas laisser passer un délai de plus d’un mois entre le paiement de deux salaires, dès lors que la rémunération des salariés est mensualisée. Les salariés non mensualisés doivent, quant à eux, être payés au moins deux fois par mois avec un intervalle de 16 jours maximum entre deux paiements.
A ce titre, l’employeur ne peut pas décider de manière unilatérale de décaler la date de paiement des salaires, quand bien même il préviendrait les salariés en amont.
A quel moment un salaire est-il considéré comme non payé ?
Selon l’article L.3242-1 du Code du travail, la rémunération des salariés est mensuelle et indépendante, en fonction d'un horaire de travail effectif déterminé et du nombre de jours travaillés dans le mois. Le paiement du salaire doit donc être effectué une fois par mois.
Comme on vient de le voir, aucune date de paiement n’est imposée par la loi. L’employeur peut verser le salaire au début ou à la fin du mois, mais il doit le faire chaque mois à la même période. Il ne peut donc pas s’écouler de 30 jours entre deux salaires. Par exemple, l’employeur ne peut pas procéder au versement du salaire le 25 du mois puis le 30 du mois suivant.
De fait, un salaire est considéré comme impayé dès lors qu’il n’est pas versé dans le délai d’un mois à compter de la date de versement du dernier salaire. Si vous avez perçu votre dernier salaire le 30 avril et que vous n’avez toujours pas été payé le 5 juin, on considère que votre salaire n’a pas été versé.
A noter : Lorsque des primes ou des heures supplémentaires sont dues, ces sommes sont exigibles à la date du paiement du salaire de base. L’employeur est tenu de les payer en même temps que le salaire du mois où est né le droit à ces sommes.
Le cas du retard de salaire
Il est à noter que l’employeur ne peut pas décider de retarder le paiement des salaires, pour quelque raison que ce soit. Ainsi, toute clause dans le contrat de travail (ou tout accord écrit) allant en ce sens est réputée nulle. L’employeur qui procède au versement des salaires avec un retard commet donc une faute.
Peut-on arrêter de travailler en cas de non-paiement du salaire ?
L’employeur et le salarié sont liés par un contrat de travail. Par ce contrat, le salarié accepte de mettre sa force de travail à disposition de l’employeur, en échange du versement d’une rémunération.
En cas de non-paiement du salaire, l’employeur manque à son obligation essentielle. Dans cette hypothèse, le salarié peut décider d’arrêter de travailler, dans le cadre d’une prise d'acte de la rupture du contrat de travail. Nous nous intéressons à ce recours plus bas.
Non versement du salaire : quelle est la procédure à suivre ?
Vous vous trouvez dans une situation où votre salaire n’a pas été versé par votre employeur, que ce soit une seule fois ou à plusieurs reprises.
Afin d'obtenir le paiement de votre salaire, il est nécessaire de suivre la procédure suivante :
1. L’envoi d’une mise en demeure
Si vous constatez un retard de paiement dans vos salaires, vous devez envoyer une lettre recommandée avec avis de réception à votre employeur en lui demandant d'exécuter son obligation de vous verser votre salaire, conformément aux dispositions du Code du travail. L’article L. 3242-1 du Code du travail impose en effet le paiement du salaire :
- Tous les 16 jours pour les salariés à domicile, les saisonniers, les intermittents et les salariés en contrat de travail temporaire ;
- Une fois par mois pour tous les autres salariés.
Dans la plupart des cas, la situation est due à une erreur de paie qui sera régularisée dans les meilleurs délais. Cependant, si la situation perdure, vous devez envisager d’autres mesures.
2. La saisine du Conseil de prud'hommes
Votre employeur a bien reçu votre mise en demeure. Malgré cela, il ne vous verse pas les salaires qu’il vous doit. Vous pouvez, dès lors, saisir le Conseil de prud'hommes.
En effet, tout retard ou absence de versement du salaire constitue une faute grave de l’employeur, même si ce manquement est justifié par des raisons légitimes, ainsi que l’a rappelé la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 27 mars 2008.
Selon le Code du travail, les salariés disposent d’un délai de 3 ans pour agir à compter du jour où le salaire aurait dû être payé.
Il revient à l’employeur de prouver qu’il a bien versé les salaires. On rappellera, à ce titre, que la délivrance de la fiche de paie n'est pas une présomption de paiement du salaire.
Devant le Conseil de prud’hommes, le salarié peut :
- Exiger le paiement des salaires impayés sans mettre fin à son contrat de travail ;
- Prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, ce qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et donne droit au versement d’indemnités (1) ;
- Demander la résiliation judiciaire du contrat de travail, ce qui produit également les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (2).
1- La prise d’acte de la rupture
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail consiste pour le salarié à constater la rupture de son contrat de travail en raison d’une violation grave des obligations contractuelles ou légales de l’employeur. Elle doit être motivée par une faute grave, comme l’est le non-paiement des salaires. Pour prendre acte de la rupture du contrat de travail, le salarié doit saisir le Conseil de prud'hommes.
Si ce dernier lui donne raison, le salarié voit la rupture de son contrat de travail requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il bénéficie alors des indemnités correspondantes et du droit aux allocations chômage.
2- La résiliation judiciaire du contrat de travail
Lorsque l’employeur ne respecte pas ses obligations de versement du salaire, le salarié peut saisir le juge prud’homal pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur. Si le juge lui donne raison, la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
3- Le référé prud'homal
Le référé est une procédure d’urgence qui permet à un tribunal de prononcer une mesure provisoire. Plus spécifiquement, le référé prud’homal consiste en une procédure devant le Conseil de prud’hommes. Elle permet d’obtenir une décision de justice en urgence, et ainsi d’obtenir rapidement de l’employeur les sommes dont il est redevable.
Quelles sont les sommes qu’un salarié peut obtenir dans le cadre d’une procédure de référé prud’homale ?
Dans le cadre d’un référé prud’homal vous pouvez demander la condamnation de votre employeur à plusieurs sommes :
- Le paiement des sommes dues au titre de rappel de salaire (prime, salaire mensuel, treizième mois, etc) ;
- Une indemnisation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile destinée à vous indemniser des frais avancés dans le cadre de la procédure prud’homale.
Exemple de décision de référé prud'homal :
A titre d’exemple, voici l’extrait d’une décision que j’ai obtenue pour un client dans la cadre d’une procédure en référé afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à payer des salaires dus et impayés :
A noter : L’employeur qui ne déclare pas ses salariés, ne délivre pas de bulletin de salaire ou remet aux salariés un bulletin de salaire dissimulant le nombre d’heures réellement effectuées peut être condamné pour travail dissimulé. Il revient dans ce cas au salarié concerné de prouver le caractère intentionnel du travail dissimulé.
Que risque l'employeur qui ne verse pas les salaires à temps ?
Une fois la décision rendue, l'employeur doit verser les salaires impayés dans un temps imparti, faute de quoi il s'expose à des sanctions.
Ainsi, le Conseil de prud'hommes peut ordonner, éventuellement sous astreinte, de procéder au versement des sommes dues, assorties d’intérêts de retard. Si l'employeur n’a toujours pas versé les sommes dues 2 mois après la notification de la décision de justice, le taux d’intérêt est majoré de 5 %.
Sur le plan civil, il peut également être condamné à verser des dommages et intérêts en cas de préjudice subi par le salarié.
Les salaires impayés sont-ils dus en cas de faillite de l’employeur ?
Oui, les salaires sont dus même en cas de graves difficultés financières de l’employeur. L'article L3253-6 du Code du travail dispose ainsi que tout employeur de droit privé doit assurer ses salariés contre les risques de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
Chaque employeur est tenu de souscrire une assurance spécifique qui lui permet, en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, de garantir le paiement de la rémunération de ses salariés. Lorsque l’entreprise n’est plus en mesure de rémunérer les salariés, les salaires sont versés par l’Assurance de Garantie des Salaires (AGS).
Quelles sont les sanctions pour l’employeur en cas de retard ou de non-paiement du salaire ?
Qu’il s’agisse d’un retard de versement ou d’une absence de paiement du salaire, l'employeur commet une infraction. Il s’expose à ce titre à des sanctions civiles et pénales.
Les sanctions pénales
Le non-paiement du salaire à la date prévue constitue une infraction pénale. Dans ce cas, l'employeur peut être condamné à payer une amende pouvant aller jusqu'à 2 250 euros.
A savoir : Le fait de ne pas verser le salaire à l’échéance habituelle, même si le retard porte sur un seul salaire, et même si l’employeur invoque des circonstances exceptionnelles, constitue une infraction.
Les sanctions civiles
Outre la rupture de son contrat de travail, le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes dans un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle son salaire aurait dû lui être versé.
Il pourra demander le paiement des salaires non versés, assortis d’intérêts pour compenser le retard.
Par ailleurs, si le salarié se considère victime d’un préjudice découlant du retard ou de l’absence de paiement des salaires, il est fondé à réclamer des dommages et intérêts.
Vous savez maintenant comment réagir en cas de salaire non payé. Il vous reste des questions ? Vous souhaitez bénéficier de conseils personnalisés concernant votre situation ? N’hésitez pas à me contacter.