Être sous-payé : comment réagir ?

• Par Rebecca DE LA TORRE, Avocat en droit social / droit du travail

• Date de mise à jour : 28 août 2023

Si vous êtes salarié et que vous souhaitez savoir si votre employeur vous paie une rémunération juste par rapport au travail que vous effectuez, vous êtes au bon endroit.

Entre le salaire minimum légal, le salaire minimum conventionnel, la classification conventionnelle, le principe « à travail égal, salaire égal » et toutes les autres règles juridiques, il est parfois difficile de s’y retrouver...

Quelques vérifications basiques permettent de savoir si vous êtes effectivement « sous-payé ».

Nous verrons aussi comment réagir pour faire valoir vos droits si vous êtes effectivement « sous-payé ».  

Vérification n°1 : Mon salaire est-il supérieur au salaire minimum légal ?

Le SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance) est une somme minimale due par heure travaillée (un taux horaire). Il correspond à 1.747,20 euros € mensuels brut (en mai 2023) sur la base de la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires.

Comment savoir si ce salaire minimum légal est respecté ?

Pour savoir si votre employeur respecte ce montant, vous devez vérifier si l’assiette du SMIC est respecté.

Seules les sommes constituant la « contrepartie du travail » fourni rentrent dans cette assiette. Il va donc falloir analyser minutieusement votre fiche de paie pour vérifier la nature des sommes versées. 

Prenons un exemple pour mieux comprendre. 

Exemple

Un salarié est payé 1.747,20 euros € mensuels brut (soit a priori le montant mensuel brut du SMIC). Toutefois, son salaire comprend une prime d’assiduité ou d’ancienneté. Or, cette prime n'est pas incluse dans l’assiette du SMIC. Le montant du SMIC n'est donc pas respecté dans cette situation. 


EXEMPLES DE SOMMES EXCLUES DE L'ASSIETTE DU SMIC 

  • Majorations pour heures supplémentaires prévues par la loi
  • Sommes versées à titre de remboursement de frais 
  • Prime de transport
  • Primes d’ancienneté et d’assiduité (Soc., 28 sept. 2005, n° 03-41.571) 
  • Primes qui ont pour objet de compenser des sujétions ou des conditions particulières de travail, telles que primes de danger, de froid, d’insalubrité, etc. (Circ. DRT no 3/81, 29 juill. 1981, BO Trav. 23 sept.)

Vérification n° 2 : Mon salaire est-il supérieur au salaire minimum conventionnel ?

Les conventions et accords collectifs de branche mettent en place des « systèmes de classification des emplois » dont la mise en œuvre repose sur les employeurs. Ces classifications déterminent l’application d’un véritable statut, notamment les rémunérations minimales.

On parle de catégories professionnelles, de groupes de classification, de niveaux, ou d’échelons auxquels correspond le « positionnement hiérarchique » ou le « niveau de qualification » d’un salarié.

Votre employeur vous attribue nécessairement un niveau de qualification, une classification et un coefficient hiérarchique figurant sur votre fiche de paie [1] ou sur votre contrat de travail. À cette classification correspond un salaire minimum conventionnel.

Pour vérifier si vous percevez le montant du salaire minimum conventionnel, voici les 3 étapes à respecter :

1. Trouvez votre classification et votre coefficient hiérarchique

Ces informations figurent soit sur votre fiche de paie soit sur votre contrat de travail.

La classification se trouve généralement en haut de la fiche de paie.

Exemple-fiche-de-paie-De-la-torre avocat

2. Trouvez le salaire correspondant à votre classification

Vous devez vérifier dans votre convention collective le salaire minimum conventionnel correspondant à votre classification. Rendez vous sur le site légifrance pour trouver votre convention collective. 

Exemple

Un salarié cadre relève de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien et du coefficient 360. Cherchez dans la convention collective les dispositions relatives au salaire minimum conventionnel en prenant la date la plus récente.

Exemple-textes-sur-les-salaires-minimums-conventionnels-dans-une-convention-collective-delatorre avocat

Puis cherchez dans le texte en question votre coefficient hiérarchique.

Exemple-textes-sur-les-salaires-minimums-conventionnels-dans-une-convention-collective-delatorre-avocat

3. Vérifiez dans vos fiches de paie si certaines sommes sont exclues de l’assiette du salaire minimum conventionnel

Ce n’est pas parce que le montant de votre salaire correspondant au montant du salaire minimum conventionnel que vous n’êtes pas sous-payé.

Vous devez déterminer l’assiette du salaire minimum conventionnel, c’est-à-dire voir quelles sont les sommes qui sont prises en compte dans le calcul de ce salaire minimum.

Il faut d’abord vérifier si votre Convention collective ne prévoit pas elle-même les éléments à prendre en compte dans l’assiette du salaire minimum conventionnel. À défaut, un élément doit être intégré dans l’assiette lorsqu’il constitue la « contrepartie » du travail effectué.

Exemple

Un salarié cadre relève du coefficient 260 de la Convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien. Le salaire minimum conventionnel correspondant est de 2.001 euros brut en 2019. Après vérification sur sa fiche de paie, celui-ci perçoit 2.001 euros brut de salaire par mois, dont 200 euros, au titre d’une prime de rendement. En apparence le salaire minimum conventionnel est respecté.


La convention collective précise cependant que les primes de rendement ne font pas partie de l’assiette du salaire minimum conventionnel. Il faut donc retirer les 200 euros des 2.001 perçus pour la vérification du respect du salaire minimum conventionnel. L’employeur doit donc encore 200 euros au salarié.

Critères-salaire-minimum-conventionnel-Delatorre avocat

Vérification n°3 : La classification attribuée correspond-elle à la réalité  ?

En d’autres termes, êtes-vous « sous classé » par rapport à vos activités ?

Voici les réflexions que j’ai pu lire sur certains forums :

  • « Je pense être sous-payé par rapport à mon activité ».
  • « Je pense être sous-payé en fonction de la vraie nature de mon travail ».

Si vos fonctions relèvent d’une classification supérieure à celle attribuée, vous pouvez demander à bénéficier de la classification qui correspond à vos fonctions réellement exercées.

L’action en justice, devant le conseil de prud’hommes, permettant d’obtenir « l’attribution » ou le « bénéfice » d’un niveau de classification supérieur s'appelle l’action en reclassification professionnelle ou conventionnelle.

Vous devez démontrer que les fonctions et les tâches que vous exercez effectivement ne correspondent pas à la classification conventionnelle retenue par votre employeur.

Comment faire ?

Les conventions collectives prévoient des grilles de classification. Certaines dispositions préciseront le nom du métier ou du poste (sous forme de groupe ou de niveau) ainsi que les tâches et les compétences liées au poste en question.

Vérifiez si vous répondez aux critères posés pour bénéficier de la classification que vous revendiquez.

Vérification n°4 : Mon salaire est-il équivalent à celui des autres salariés de la même qualification ?

Le principe « À travail égal, salaire égal » a été consacré par la Chambre sociale de la Cour de cassation en 1996, dans l’arrêt « Delzongle contre Ponsolle ».

Selon ce principe, si des salariés exercent au sein d’une même entreprise un travail « égal » ils doivent bénéficier d’une rémunération égale.

Qu’est-ce qu’un travail égal ? Ce sont les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

S’il existe effectivement une différence, l’employeur doit la justifier par des raisons objectives et matériellement vérifiables (ancienneté, qualifications particulières, embauche dans un contexte nécessitant une rémunération « attirant » le salarié).

Concrètement, l'idéal est de disposer des fiches de paie d'un collègue pour pouvoir comparer les salaires.

Il est toujours possible de forcer l’employeur à fournir des bulletins de paie soit avant le procès via les mesures d’instruction in futurum (action en référé), soit pendant le procès via les pouvoirs spécifiques du bureau de conciliation ou du juge prud’homal.

Vérification n°5 : Suis-je victime d’une discrimination salariale ? 

La discrimination est fondée sur un « motif illicite ».

L’employeur vous discrimine lorsqu’il vous désavantage en raison d’un motif prohibé par la loi comme l’âge, l’orientation sexuelle, l’appartenance syndicale… 

Vous pouvez consulter l’intégralité des motifs discriminatoires en cliquant ici.

Si vous pensez faire l’objet d’une discrimination salariale, vous pouvez demander devant le juge une reconstitution de carrière (notamment pour les salariés représentants du personnel) ce qui implique, entre autres, un rappel de salaire.

Vérification n°6 : Est-ce que j’effectue des heures supplémentaires qui ne sont pas payées ?

Si vous effectuez des heures supplémentaires qui ne sont pas payées, vous devez absolument noter précisément l’accomplissement de ces heures dans un agenda au fur et à mesure de leur accomplissement.

Si vous décidez de faire valoir vos droits, vous devrez être en mesure d’apporter des éléments de preuve suffisamment précis s’agissant des heures non rémunérées.

La Cour de cassation décide en effet : « il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments » (Soc. 18 mars 2020, n°18-10.919)

Comment faire concrètement pour faire valoir mes droits ?

Si vous constatez, après vérification, que vous êtes effectivement sous-payé, vous avez droit notamment :

  • à la régularisation de votre salaire pour l’avenir ;
  • à un rappel de salaire dans la limite des trois dernières années (ou cinq ans en cas de discrimination).

Exemple

Exemple : Imaginons un salarié dont le salaire minimum conventionnel correspondait en 2022 à un montant de 2.000 € réévalué à 2.050 € en 2023. Ce salarié est payé 1.800 € depuis 2022 et nous sommes le 1er janvier 2023. Le salarié pourra prétendre à un rappel de salaire pour l’année 2022 correspondant à 200 € multiplié par 12 soit 2.400 €. Il devra en outre être payé désormais 2.050 € en 2023.

Voici les différentes solutions permettant d’obtenir cette régularisation :

  • 1. Informer oralement l’employeur de cette situation. L’objectif en informant oralement l’employeur est de tenter de régler à l’amiable la situation. L’avantage est que vous pouvez régler rapidement le problème sans provoquer de conflit. L’inconvénient est qu’il y a peu de chances, si vous avez de l’ancienneté, que votre employeur accepte de vous régler les rappels de salaire correspondant aux années précédentes.
  • 2. Envoyer à l’employeur une lettre recommandée avec accusé de réception. Si la première solution ne fonctionne pas où que votre employeur fait durer la situation, vous pouvez envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception pour demander la régularisation de votre situation.
  • 3. Recourir à un avocat spécialisé en droit du travail. Si votre employeur ne réagit toujours pas, le recours à un avocat peut permettre de débloquer la situation. L’objectif, en recourant à un avocat, est de montrer à votre employeur que vous êtes déterminé à obtenir le salaire normalement dû. Le simple envoi d’un courrier d’avocat s’avère, dans 90% des cas, extrêmement efficace pour forcer l’employeur à respecter ses obligations. Si, malgré un tel courrier, l’employeur continue d’ignorer les demandes de régularisation du salaire, il est possible d’intenter un procès devant le conseil de prud’hommes.

Vous savez désormais comment vérifier si vous êtes sous-payé et comment faire valoir vos droits pour obtenir les salaires qui vous sont dus.

Autres articles

Vous avez besoin d'un avocat en droit du travail pour un problème juridique ?

>