Preuve du harcèlement moral

Preuve du harcèlement moral : 13 moyens efficaces

• Par Rebecca DE LA TORRE, Avocat en droit social / droit du travail

• Date de mise à jour : 3 septembre 2023

Vous êtes salarié et vous vous sentez harcelé moralement par un collègue (harcèlement dit « horizontal »), par votre manager ou par votre employeur (harcèlement dit « vertical ») ?

Le manque de connaissances ou d’informations peut conduire à l’inaction ou à la prise d’une mauvaise décision, de crainte de ne pas être cru, et à défaut de pouvoir prouver le harcèlement dont vous faite l’objet.

Dans cet article, nous allons voir très concrètement comment prouver efficacement un harcèlement moral subi sur le lieu de travail.

Qu’est-ce qu’un harcèlement moral ?

Le harcèlement moral est le fait de :

  • subir (les agissements ne sont donc pas « consentis » ni explicitement ni implicitement);
  • des agissements répétés (un seul agissement isolé ne suffit pas);
  • ayant pour objet ou pour effet (peu importe que l’auteur du harcèlement ait l’intention particulière de harceler sa victime, seul l’effet des agissements importe);
  • une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel[1]

La preuve du harcèlement moral est facilitée par le Code du travail

Le salarié doit présenter au juge « des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement ».

On parle alors de présomption de harcèlement moral.

Cette présomption sera établie par des éléments de fait comme notamment (liste non exhaustive) :

  • L’existence d’une différence de rémunération injustifiée avec d’autres collègues de même qualification ;
  • Le non-respect de la qualification prévue par le contrat de travail ;
  • Une « mise au placard » ;
  • Le dépassement des durées maximales de travail ou le non-respect des durées minimales de repos ;
  • Une charge de travail trop importante (fréquent en cas de harcèlement managérial);
  • Des remarques dégradantes, attentatoires à la dignité ;
  • Des comportements violents (propos ou comportements) ;

Si le salarié parvient à établir cette présomption, l’employeur pourra toujours, pour se défendre, prouver que les mesures étaient justifiées par des motifs étrangers à tout harcèlement.

13 moyens pour prouver efficacement un harcèlement moral au travail

Alors comment peut-on efficacement rapporter la preuve d’un harcèlement moral subi au travail ? 

1. Obtenir des témoignages de collègues ou d’anciens salariés de l’entreprise

Il est fréquent que le salarié harcelé ne soit pas le seul dans cette situation. Obtenir le témoignage d’un collègue peut s’avérer extrêmement utile dans le cadre d’un procès pour emporter la conviction d’un juge.

Ce témoignage prendra la forme d’une attestation écrite et manuscrite du témoin et devra impérativement respecter certaines conditions de forme. Une attestation qui ne respecterait pas ces conditions de forme n'aurait aucune valeur probatoire devant un juge.

Le salarié qui souhaite apporter son aide à la victime d’un harcèlement en témoignant de tels agissements est protégé par le Code du travail contre les éventuelles mesures de rétorsion prises par l’employeur[2].

Il est possible de produire des attestations d'anciens salariés et de personnes extérieures à l'entreprise (comme des clients ou des fournisseurs de l’entreprise).

2. Se faire délivrer un certificat médical par son médecin traitant

Seuls, des certificats médicaux ne suffisent pas pour prouver l’existence d’un harcèlement. Cependant, additionnés à d’autres éléments, ils peuvent permettre de laisser supposer l’existence d’un harcèlement.

Vous devrez alors fournir un certificat médical faisant état d’une dégradation de votre état de santé (si possible en demandant au médecin de constater un lien avec l’exercice du travail bien que ce ne soit pas nécessaire). 

3. Intenter une action sur le plan pénal

Pour les cas les plus graves de harcèlement moral, il est possible de porter plainte afin d’obtenir un jugement du tribunal correctionnel condamnant l’auteur du harcèlement (par exemple lorsque le harcèlement s’est accompagné de violences physiques).
Ce jugement pourra être produit, par la suite, dans le cadre du procès prud'homal. 

4. Fournir des sms ou des e-mails reçus par l’auteur du harcèlement

C’est généralement le moyen de preuve le plus fréquent notamment en cas de harcèlement managérial.

Des courriels ou des SMS sont des moyens de preuve recevables selon la Cour de cassation[3].

Il faut littéralement éplucher tous les e-mails et SMS un par un afin de voir s'il n'y a pas des éléments qui pourraient servir de preuve du harcèlement moral. Ce point est très important. Si vous prenez un avocat, vous devez absolument lui transmettre l'intégralité de ces pièces.

Si vous quittez prochainement l'entreprise, pensez à vous transférer ou à imprimer l'intégralité de vos mails avant de partir définitivement. 

 5. Demander les bulletins de salaires d’un collègue

Afin d’établir une différence de traitement injustifiée, notamment au regard de la rémunération, il peut être judicieux d’obtenir d’un collègue ayant la même qualification des bulletins de paie sur une période déterminée.

Sachez que si aucun collègue n’accepte, il est toujours possible de forcer l’employeur à fournir des bulletins de paie soit avant le procès via les mesures d’instruction in futurum[4], soit pendant le procès via les pouvoirs spécifiques du bureau de conciliation ou du juge prud’homal[5].

6. Fournir des résultats d'évaluation

La mise en place d’un système de management et d’évaluation des performances des salariés stressant susceptible de compromettre la santé des salariés peut créer les conditions d’un harcèlement moral. Pour en savoir plus sur le sujet des méthodes d'évaluation stressantes cliquez-ici

7. Se procurer des comptes rendus de réunions des représentants du personnel

Il est possible d’informer les représentants du personnel de la situation de harcèlement moral dont vous faite l’objet. Ces derniers peuvent ensuite remonter cette information à l’employeur lors d’une réunion.

Le procès-verbal de cette réunion peut alors s’avérer extrêmement utile dans le cadre d’un procès. 

8. Fournir des lettres de dénonciation de harcèlement restées sans réponse

Vous devrez établir l'inaction fautive de l'employeur face à la situation de harcèlement moral dont vous avez fait l’objet.

Pour cela, des lettres dénonçant le harcèlement (ou des courriels) envoyées à l’employeur et restées sans réponse peuvent s’avérer utiles.

9. Établir un suivi des modifications de poste ou des tâches attribuées

Un suivi détaillé des modifications de vos responsabilités professionnelles, de votre poste ou de vos tâches peut aider à démontrer un harcèlement.

Par exemple, si vous êtes soudainement retiré de projets importants sans explication ou si vous recevez des tâches dégradantes ou hors de votre domaine de compétence, cela peut indiquer un harcèlement moral. Ce suivi pourrait inclure des emails, des rapports de performance, des lettres ou des descriptions de poste.

10. Faire appel à l'Inspection du Travail

En France, l'Inspection du Travail est un service de l'État chargé de veiller à l'application du droit du travail. En cas de harcèlement moral, le salarié peut contacter l'Inspection du Travail pour signaler la situation.

L'inspecteur ou contrôleur du travail peut alors enquêter dans l'entreprise, récolter des éléments de preuve et éventuellement donner lieu à des sanctions envers l'employeur si le harcèlement est avéré. La saisine de l'Inspection du Travail peut donc constituer un moyen de preuve du harcèlement.

11. Faire une alerte au Comité social et économique

Il est également possible d'alerter le CSE et de faire une copie de votre courrier à l'inspection du travail. 

12. Se procurer des rapports des consultants en prévention des risques professionnels

Lorsqu'une entreprise fait appel à des consultants ou à des spécialistes en prévention des risques professionnels, ces experts évaluent la santé au travail et les conditions de travail. Si, lors de ces évaluations, ils identifient des signes ou des situations pouvant indiquer du harcèlement moral, leurs rapports peuvent être utilisés comme preuve. Ces rapports externes peuvent avoir un poids significatif, car ils proviennent d'une source impartiale et spécialisée.

Pour vous les procurer, il faut se renseigner auprès d'autres salariés ayant un certain niveau de responsabilité au sein de l'entreprise (il peut s'agir d'anciens salariés) ou auprès d'élus du CSE. 

13. Tenir un suivi journalier des incidents

Vous avez intérêt à tenir un journal ou un registre détaillé de chaque incident de harcèlement moral. Ce suivi doit inclure la date, l'heure, le lieu, les personnes impliquées, les témoins éventuels, la nature exacte de l'incident, et toute action entreprise par la victime par la suite (par exemple, en parler à un supérieur ou à un collègue).

Un tel journal offre plusieurs avantages :

  • Il fournit un historique chronologique des incidents, ce qui peut aider à démontrer un schéma récurrent de comportement.
  • Il peut aider à corréler les événements avec d'autres preuves (comme les e-mails ou les SMS).
  • Les détails immédiats sont souvent plus précis que le rappel de mémoire à long terme, rendant l'accusation de harcèlement plus crédible aux yeux des juges.

Les juges évaluent chaque cas particulier en utilisant un faisceau d'indices permettant d’établir la situation de harcèlement. Il faudra apporter la preuve de plusieurs éléments de fait.

Pensez-y avant qu’il ne soit trop tard !

SOURCES

  • [1] Article L.1152-1 du Code du travail
  • [2] Article L1152-2 du Code du travail
  • [3] Cass. soc., 23 mai 2007, no 06-43.209
  • [4] Article 145 du Code de procédure civile
  • [5] Article L. 1235-1 du Code du travail

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